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5 octobre 2022 3 05 /10 /octobre /2022 14:33
ULTRA NICE MÉTROPOLE CÔTE D'AZUR By UTMB
Mon été s'est super bien passé en crapahutant la plupart de mon temps en montagne. Pour un amoureux des sommets, que demander de mieux ? Le volume d'entraînement pour la préparation du 100 Miles de NICE a été conséquent avec notamment plusieurs fois des semaines avoisinant les 30 h de sport. Une première pour moi. Voyant que j'encaissais parfaitement ces charges, la confiance, en vue de ce second objectif de l'année, était élevée . Depuis un peu moins d'un an de collaboration, je peux dire avoir passé un cap important auprès de mon coach Adrien Seguret. Certes, ses méthodes sont parfois un peu rudes, mais le travail paie toujours, c'est bien connu. 
 
Le 4 septembre dernier, c'est-à-dire le dernier jour de mes vacances, je me suis mis à tousser dans le courant de l'après-midi. Je ne me suis pas du tout inquiété de cela et je me suis même dit que j'avais dû prendre froid en montagne la veille. Puis au fil des heures, mon état de santé n'a fait que de se détériorer. Quelque chose d'assez incontrôlable. Toux, fièvre, frilosité et fatigue extrême. Là, j'ai commencé à me dire que ça ne sentait pas bon du tout. La nuit qui a suivi a été catastrophique. Je grelottais sous ma couette comme s' il faisait -15°c dans ma chambre et la toux s'accentuait énormément. Le lendemain matin, le TEST PCR révélait un COVID POSITIF. Pour faire simple, j'ai absolument eu tous les symptômes sauf l'oppression respiratoire. 
Me voilà donc rapidement isolé chez moi allongé sur mon canapé en comprenant très rapidement que ma participation au 100 Miles de NICE était plus que remise en question car 3 semaines c'est long, mais c'est aussi très court. Durant cet isolement, je passe mes journées à dormir. C'est impressionnant tout ce que j'ai pu dormir ! J'enchaîne des nuits à 9h de sommeil et je trouve le moyen de refaire une sieste d'une heure dans l'après-midi. Cela tous les jours. 
 
Je semble plutôt bien gérer le COVID, en revanche, le SARS COV 2 appuie (c'est bien connu) là où ça fait mal : chez moi c'est mon ventre. C'est une violente poussée de crohn qui surgit avec des diarrhées intempestives et inarrêtables. Je perds beaucoup de poids et d'énergie. Franchement, je vois toutes mes chances de participer au 100 M s'évaporer. Ma priorité était claire, c'était ma santé. Pendant un certain temps, j'ai oublié cette course et j'ai mis le paquet pour me soigner. Pas d'autre choix. 
 
Les jours passent et se ressemblent. Puis une fois l'isolement terminé, l'envie de remettre le nez dehors se fait de nouveau grandement ressentir. L'homme n'est pas fait pour rester enfermer dans une cage. Sous l'œil avisé d'Adrien, je remets le corps en route par de courtes sorties à pied et à vélo. Ça me fait un bien fou de prendre l'air mais surtout de bouger. Les jours avancent (trop vite) mais la perspective de tenter ce 100 M ce fait de plus en plus pressant. Je suis très bien entouré, que ce soit sur le plan médical que sportif. 
 
A J-5 de la course, on tente une séance (un poil) costaud avec de la PMA en côte. On prend cette décision en commun. L'idée est de voir comment mon corps va réagir à ça. A ma plus grande surprise, je sors une séance de l'espace dans une côte repère. Les jambes étaient au RDV et ma fréquence cardiaque était aussi très bonne. Ça répondait du tac au tac. De plus, je ne souffre d'aucune gêne respiratoire pendant et post-effort. Malgré les symptômes persistants de la poussée de Crohn, on décide de prendre le départ de la course pour n'avoir aucun regret. Je commence de nouveau à me projeter sur l'événement. Le moral remonte en flèche ! 
📷 Organisation Ultra Nice Métropole Côte d'Azur By UTMB

📷 Organisation Ultra Nice Métropole Côte d'Azur By UTMB

DÉPART - 
VENDREDI 23 SEPTEMBRE - 13h. 
Ce sont environ 400 coureurs qui se présentent sur la ligne de départ à la station d'Auron (Vallée de la Tinée dans le Mercantour). Je suis accompagné de mes parents qui forment, comme d'habitude, mon assistance de choc. A quelques minutes du départ, j'ai la sensation à la fois étrange, intrigante et un poil désagréable de me retrouver comme un enfant devant une immense feuille blanche. Bien que je fasse confiance aux protocoles, à toutes ces semaines d'entraînement et ses nombreuses heures passées sur les sentiers, je suis sincère quand je dis que je ne sais pas du tout comment mon corps va réagir. Des tas de questions se bousculent dans ma tête. Il ne faut pas se mentir, je me sens quand même relativement affaibli. Le COVID et le CROHN ont laissé de douloureuses traces dans mon organisme. Vais-je y arriver ? Mon corps va-t-il tout "simplement" pouvoir tenir la distance ? 
📷 Organisation Ultra Nice Métropole Côte d'Azur By UTMB

📷 Organisation Ultra Nice Métropole Côte d'Azur By UTMB

TOP départ dans une belle ambiance. C'est une première édition. Un parcours qui fait rêver. Une belle trace qui relie le massif du Mercantour à la promenade des Anglais à NICE. Ça part au taquet. Décidément, je ne comprendrais jamais cette stratégie. Nous ne sommes même pas encore sorti des ruelles d'AURON que je me fais dépasser de toute part. Ca part tellement vite que ça me fait réellement douter. Au point que ça me déstabilise. Je me dis que je vais prendre (très) cher sur cette course. Le peloton aborde rapidement la première descente qui plonge vers Saint Etienne de Tinée. Là encore, ça descend à bloc. Moi je joue la carte de la sécurité. Je sais que les fibres musculaires que tu casses ici, tu ne les retrouveras jamais. Je suis dans ma bulle. Je fais ma course. Et je laisse faire. Sur la fin de la descente, peut-être à cause d'un moment d'égarement, ma cheville gauche se tord sur un appui. Mince il manquait plus que ça. C'est allé si vite. Il y a eu une belle torsion. Sur le moment j'ai très peur mais mon cerveau refuse d'entendre un quelconque message provenant de ma cheville. Par la force de mon mental, je mets cet épisode de côté et je continue. On verra ça plus tard. 
SAINT ÉTIENNE DE TINÉE
VENDREDI 23 SEPTEMBRE - 13h49' - Km 8 - 77e 
Le village est bondé d'enfants qui nous encouragent à coeur joie. A chaque passage de coureur, nous avons droit à une ola. Au ravitaillement (sans assistance), je prends le temps de bien recharger mes flask. Je sais ce qui nous attend. En effet, lors de notre VAN TRIP en MERCANTOUR (2020), c'est un coin que j'avais eu l'occasion d'arpenter. C'est 1400 D+ qui se dresse devant nous. La montée vers le refuge et le lac de RABUONS est sèche et parfois technique. J'attends cette partie avec impatience car c'est la plus sauvage et sans aucun doute la plus belle du parcours. Et puis ça me remémore des beaux souvenirs qui me font du bien. Dès le début de cette montée, je constate que j'ai de bonnes jambes. Malheureusement, je me retrouve coincé derrière des wagons de coureurs. Eux-mêmes qui m'ont doublé dès le départ et dans la descente précédente. Je peste un peu car beaucoup d'entre eux semblent déjà en difficulté. A quoi bon !? Tout en essayant de ne pas faire monter le cardio, je double des concurrents par gros paquets jusqu'à me retrouver avec le champ libre. La stratégie est simple. J'écoute mon corps. Je surveille le cardio. Je monte à ma main. Mais en aucun cas je lâche des munitions dans cette difficile montée. Bien que j'applique à la lettre les consignes, je me rends bien compte que je monte fort. Les sensations sont au RDV. Ça fait vraiment plaisir. Et soudainement, les doutes (devant la ligne du départ) disparaissent. Je prends un plaisir fou. Je remonte 25 coureurs sur cette montée ! 
📷 Organisation Ultra Nice Métropole Côte d'Azur By UTMB

📷 Organisation Ultra Nice Métropole Côte d'Azur By UTMB

REFUGE DE RABUONS
VENDREDI 23 SEPTEMBRE - 15h38' - Km 17 - 52e
L'ambiance est exceptionnelle. Un vrai bon refuge de montagne avec vue sur le lac et une grande partie du massif. Qu'est-ce que c'est beau là-haut ! Comme plus bas dans la vallée, je prends le temps de me ravitailler. Je fais le plein des flasks. Ici, une main se pose sur mon épaule et j'entends : " salut Romain". J'ai la joie de retrouver David CODA (dossard 132). Ça fait si longtemps. David est le coureur avec qui j'ai bataillé en 2016 pour la victoire au général sur l' ULTRA TRAIL DES BALCONS D'AZUR à Mandelieu la Napoule. On repart ensemble dans la foulée du TOP 3 féminin. Le LIVE TV est derrière elle et je me mets bien au chaud dans leur sillage. Mais rapidement, je me rends compte qu'elle monte trop vite pour moi. Je pourrais suivre mais je pense que c'est inutile de lâcher autant de force aussi tôt dans la course. La partie au-dessus du refuge est loin d'être évidente. C'est très technique. Il y a beaucoup de cailloux. C'est raide, il faut pousser fort sur les bâtons. De plus, plus on monte et plus le froid nous pénètre par un brouillard relativement épais à cette altitude. 
ULTRA NICE MÉTROPOLE CÔTE D'AZUR By UTMB
Je bascule à une centaine de mètres du TOP 3 féminin. Ils disparaissent +/- dans le brouillard. L'ambiance est assez surréaliste ici. Je me retourne mais je n'aperçois plus du tout David. J'espère que tout va bien pour lui. La descente est très technique. Par endroit c'est un véritable chaos de pierres sur lesquelles nous devons évoluer. Mais ça me plait. Je me sens à l'aise, c'est mon terrain de jeu favori. Je sens que je suis efficace et que je ne perds pas de temps. Je retrouve le soleil sur la partie descendante et sur le long balcon qui suit. Ça me réchauffe le corps et c'est très appréciable. Par endroit, on dirait sincèrement que nous sommes au bout du monde. On traverse des plateaux sauvages avec tout le Mercantour en arrière-plan. C'est vraiment chouette ! 
📷 Organisation Ultra Nice Métropole Côte d'Azur By UTMB
📷 Organisation Ultra Nice Métropole Côte d'Azur By UTMB

📷 Organisation Ultra Nice Métropole Côte d'Azur By UTMB

La montée vers le Pas de Colle Longue est joueuse. Raide et comme le reste assez technique. Nous jouons encore une fois avec le brouillard. Le plafond nuageux est bas. Au sommet, j'ai l'immense bonheur de voir Beppe Degioanni du Rifugio Dahu de Sabarnui qui tient son stand de ravitaillement improvisé en plein courant d'air. Punaise il faut quand même avoir la foi. Beppe est un homme au grand cœur très connu dans la région (notamment par les trailers) pour sa générosité. La preuve en est une fois de plus. La descente qui suit restera à jamais gravée en moi. Je crois que c'est la première fois que je vois un truc pareil. Aucune trace. Les organisateurs nous ont pris pour des chamois. Il y a seulement quelques fanions pour nous guider (à vue). On descend droit dans l' pentu, dans les cailloux et les parties herbeuses. Je retiens mon corps au maximum afin de ne pas m'emballer. On perdra 2300 D- en à peine 8 km. Les connaisseurs apprécieront. 
📷 Village ISOLA - Organisation Ultra Nice Métropole Côte d'Azur By UTMB

📷 Village ISOLA - Organisation Ultra Nice Métropole Côte d'Azur By UTMB

ISOLA VILLAGE
VENDREDI 23 SEPTEMBRE - 18h39' - Km 37 - 38e
Quand j'en finis avec cette descente, je fais le point avec mes jambes et force est de constater que tout va vraiment très bien. J'ai respecté les consignes à la lettre, à savoir : arriver à Isola très frais comme si la course n'avait encore même pas commencé. Contrat rempli ! 
J'arrive au premier ravito (avec assistance). Je retrouve mes parents avec un énorme sourire. Je suis super heureux de les voir. Pour l'assistance, ils ont désormais l'habitude. Tout est rodé. Grâce à un précieux et consciencieux travail en amont, chacun sait ce qu'il a à faire, et c'est très appréciable de pouvoir compter sur eux à ce niveau-là. Étant donné que la nuit s'apprête à tomber, je change de vêtements. Depuis le COVID, je suis devenu (contre nature) assez frileux. J'écoute mon corps plus que d'habitude et lui apporte ce dont il a besoin. Ni plus ni moins. En d'autre temps, je ne me serais sans aucun doute pas habillé autant, mais il faut savoir s'adapter en toute circonstance. C'est la clé ! En fait, je ne veux prendre aucun risque. Je m'habille donc chaudement pour prévenir le froid nocturne. Ça ne traîne pas. J'ai optimisé cet arrêt du mieux possible. Je repars d'ici les poches pleines et le ventre plein ... MIAM ! 
📷 ravitaillement Isola

📷 ravitaillement Isola

A partir d'ici et durant toute la nuit, l'idée est de faire ma course. C'est-à-dire courir sur mes allures sans toutefois sortir de ma zone de confort. Je trouve la section qui suit jusqu'au PONT DE PAULE très agréable. On rentre progressivement dans la nuit qui s'accélère avec les nombreux passages en sous-bois. Je rejoins rapidement le TOP 2 féminin accompagné d'un autre coureur. C'est la même féminine derrière qui j'ai renoncé à tenir le rythme là-haut, après le refuge Rabuons. Tiens tiens comme on se retrouve. Nous grimpons sur un single étroit. Fair Play ils me demandent si je veux passer, je réponds que " oui " en laissant toujours un petit mot sympa. Puis je prends le large et ne les aperçois rapidement plus derrière moi. J'allume la frontale et continue de m'enfoncer dans les bois en poussant toujours efficacement sur les bâtons. Puis ça se met à descendre sévèrement. Le terrain est en dévers et très accidenté. Il faut parfois s'accrocher aux branches pour tenir l'équilibre. C'est tellement le chaos que ça me rappelle la célèbre section du Grand Raid de la Réunion au chemin KALA. Néanmoins, il me semble être très efficace sur cette partie. Au bout d'un moment, je rejoins la route en contrebas et déroule avec pas mal d'aisance sur quelques kilomètres pour rejoindre PONT DE PAULE. Sacré contraste avec cette descente dantesque. 
📷 Organisation Ultra Nice Métropole Côte d'Azur By UTMB

📷 Organisation Ultra Nice Métropole Côte d'Azur By UTMB

PONT DE PAULE
VENDREDI 23 SEPTEMBRE - 20h46' - Km 51 - 32e
Ici ravitaillement sans assistance. Mais mes parents sont quand même présents pour me voir passer et m'encourager. La montée qui suit est longue et continue. Je me surprends à relancer pour courir dès que la pente se veut moins forte. C'est un très bon signe. Je me sens totalement à l'aise. Je me sens tout simplement dans mon élément. Je me dis que je suis en train de faire ce pourquoi il me semble que je suis fait. Ma motivation est à son comble. Je crois qu'à cet instant la course est à son premier tournant. Car d'après ce que je ressens, la fatigue semble pointer le bout de son nez chez pas mal de coureurs et évoluer de nuit est toujours un exercice délicat. 
SAINT SAUVEUR SUR TINEE
VENDREDI 23 SEPTEMBRE - 22h49' - Km 64 - 23e
Première base de vie. J'ai l'immense joie de (re)voir mes parents. A chaque fois, c'est un bain de bonheur avec l'assurance de faire le plein d'énergie. Ce " crew " est au top ! Là, l'osmose est totale. Pas un geste ni une parole de trop. Court. Rapide. Efficace. Je suis déjà reparti. Je sais que je peux faire la différence sur ces ravitaillements. Vu le contexte, c'est difficile pour moi de courir plus vite que je ne le fais déjà. Alors si je peux gagner du temps quelque part, c'est bien ici. La section qui suit est casse pattes. Ça monte et ça descend, mais je fais absolument tout en courant. C'est exactement sur cette partie que je me rassure définitivement. Les doutes du départ sont derrière moi. Le corps humain est incroyable. Alors je savoure encore un peu plus chaque instant. Les kilomètres défilent et pour être honnête je ne m'en rends même pas compte. Je ne sens même pas les cailloux. Aucune douleur. Aucune difficulté. Aucun problème majeur. Je rentre dans un " flow " caractéristique de l' ULTRA. Je suis clairement en plein dedans. 
LYCÉE DE LA MONTAGNE
SAMEDI 24 SEPTEMBRE - 00h25' - Km 73 - 14e
Je retrouve mes parents dans le gymnase. L'assistance est comme la précédente, sur le même registre de l'efficacité. Quand j'arrive ici, je me sens solide. Le corps et l'esprit ne font qu'un. Je sais pourquoi je suis là. C'est vraiment solide. Mais je ne perds pas pour autant de l'esprit que c'est un endroit très stratégique. Car c'est une très grosse portion qui nous attend pour la suite. En effet, je ne reverrai pas mon assistance avant 30 km. Et entre-temps c'est un véritable chantier qui se présente aux coureurs avec des grosses et longues ascensions. Un clin d'œil à mon assistance et je repars, franchement prêt à en découdre. 
 
Je me rends compte qu'en temps normal, à cette heure-ci, on dort profondément. Mais moi je vis pleinement mon aventure et je suis simplement heureux de courir en montagne dans cette nuit obscure, avec comme seul repère le faisceau de ma frontale. 
 
L'ascension au col de la Madeleine est difficile. Certaines sections sont raides. Plus je monte et plus il fait froid. Je ne tarde pas à mettre les gants et mon bonnet avant qu'il ne soit trop tard. Puis c'est un épais brouillard givrant qui s'invite à la fête. Rapidement, je ne vois plus rien ou presque. Le faisceau de ma frontale a du mal à repérer le fanion suivant ce qui rend difficile la progression. Un vent violent s'en mêle également à son tour. Les conditions sont rudes. Il y a à peine 30' j'étais au chaud dans un gymnase en train de me ravitailler. Plus je monte, plus je deviens focus et concentré. La visibilité devient quasiment nulle et je suis désormais obligé de me fier à la trace de ma montre pour ne pas me perdre. L'ambiance est assez surréaliste. En montagne, c'est bien connu, les conditions peuvent être rapidement changeantes et j'en ai un net aperçu. Je l'avoue ici, si je n'avais pas eu ma montre pour m'aider à m'orienter, je ne sais sincèrement pas ce qu'il serait advenu. La nature nous montre parfois à quel point nous sommes infiniment petits. Après plus d'une heure trente d'ascension, je commence à apercevoir, au loin bien au-dessus de moi, une frontale qui me fait comme du morse. Je lève régulièrement la tête pour garder le cap jusqu'à arriver au contact de cette personne. C'est un des courageux secouristes en poste pour pointer les coureurs. Deux de ses camarades sont en train de dormir à même le sol sous une couverture de survie. Là je me dis qu'on est peut-être pas tous fait du même bois !? Je donne mon numéro de dossard et il m'indique le chemin sur lequel je dois continuer. La petite anecdote, c'est que le brouillard givrant est encore tellement épais que je ne vois même pas le chemin qu'il m'indique. Alors j'avance comme je peux. A ce moment-là, chaque pas ou presque est un mystère. Je vérifie très souvent la trace GPS sur ma montre afin de ne pas me perdre. Et puis par endroits le brouillard et le vent se calment jusqu'à disparaître quand je rentre enfin dans les bois. Oh punaise ! Quel moment de vie ! Au col d'Andrion je bascule dans la descente et suis fier d'avoir gardé autant de sang froid. J'ai impeccablement géré la situation. J'espère juste du fond du cœur que tous les concurrents arriveront à en faire autant sur cette section, qui de très loin, sera la plus difficile de tout le parcours. Dans cette descente, je perds environ 1100 D- en 12 km. Je déroule sans trop de difficulté, bien que je commence sérieusement à être " à sec " au niveau ravito. En effet, selon le programme, un ravitaillement aurait dû se trouver au Col d'Andrion, mais à ma plus désagréable surprise il n'y avait pas une seule âme qui vivent là-haut. Le prochain point n'est qu'au bas de cette descente au BREC D'UTELLE. C'est comme ça. Je vais devoir serrer les dents jusqu'en bas. 
BOUCHE DES FOURNES ou BREC D'UTELLE
SAMEDI 24 SEPTEMBRE - 04h08' - Km 93 - 13e
Au détour d'un énième virage, je tombe sur 2 grosses tentes blanches avec des lumières. Je suis chaleureusement accueilli à l'intérieur par les bénévoles. Étant un peu désorienté avec ce manquement au col d'Andrion, je demande aussitôt où nous sommes ? On me répond : " Au Brec d'Utelle et il te reste environ 10 km avant de rejoindre Utelle ". J'en profite pour faire le plein de boissons. Je suis à sec depuis plusieurs km. Qu'est-ce que j'ai soif ! J'échange quelques mots avec les bénévoles et je leur dis qu'on a pris cher là-haut. A l'unisson, ils me répondent qu'ils le savent et que le coureur allongé dans un coin de la tente sous une couverture de survie ne s'en ai pas remis. Je le regarde et en effet il semble être secoué. J'étais certain que ça ferait des dégâts. Je ne traîne pas trop ici avec l'idée de revoir le plus rapidement possible mes parents à Utelle. 
 
Peut-être du fait que je suis encore particulièrement en forme mais aussi soulagé d'être sorti de cette tempête, je trouve la section qui suit particulièrement roulante. Aucun doute, mes allures sont encore très bonnes. Je déroule avec aisance. Sur la première partie, ça grimpe souvent, mais j'arrive à tout courir. Ce qui me conforte encore davantage dans ma stratégie. Puis au bout d'un moment, ça bascule dans une descente assez technique où j'arrive parfois à entrapercevoir les lumières du village d'UTELLE. Ca me parait encore loin. Par moment, mes jambes semblent me montrer les tous premiers signes de fatigue, notamment sur le travail excentrique, surtout quand il s'agit de passer les plus gros blocs. Rien d'inquiétant car à ce stade de la course je crois que c'est on ne peut plus normal. 
ULTRA NICE MÉTROPOLE CÔTE D'AZUR By UTMB
UTELLE
SAMEDI 24 SEPTEMBRE - 04h08' - Km 103 - 11e
Un peu moins de 4h après le Lycée de la Montagne, je retrouve enfin mes parents. Arrivé à Utelle, mon père (fidèle au poste) m'accompagne une grosse centaine de mètres pour rejoindre le point d'assistance, au coeur du village, auprès de ma maman. Il fait encore nuit. D'un coin de l'oeil, je trouve la place du village charmante et l'ambiance qui y règne est sympa. Les bénévoles sont une nouvelle fois très accueillant. Comme sur tous les autres points d'assistance, ça ne traine pas. Tout est parfaitement optimisé. Et puis sans trop le faire exprès, de façon assez innocente, ma maman me glisse à l'oreille que le concurrent classé 10e avait l'air malade et qu'il avait eu beaucoup de mal à repartir de ce check point. Cette phrase a eu l'effet d'une bombe dans ma tête. Elle s'est mise à raisonner et j'ai immédiatement compris que c'était le moment idéal pour " enfin " déclencher ma course. Je repars de ce ravitaillement regonflé à bloc. Ma stratégie d'attendre le levé du jour pour " enclencher " est enfin arrivée. J'ai été patient sur toute la partie montagneuse du Mercantour et durant toute la nuit. Je suis certain d'avoir commis aucune erreur jusque là. La gestion a été parfaite. Il me tardait de " mettre en route " pour enfin sortir de MA course et rentrer dans LA course. A ce moment là, si j'en suis à pouvoir penser comme ça c'est qu'il me reste encore pas mal d'énergie et surtout je constate chez moi une étonnante fraicheur physique et mental. Je ne l'ai jamais caché, j'aime la compétition. J'aime me mesurer aux autres et je n'ai jamais eu peur de me confronter à plus fort que moi. C'est donc dans cet état d'esprit conquérant que j'espère rejoindre ce coureur pour (à mon tour) tenter de rentrer dans le TOP 10. Le jour est sur le point de se lever. La section sur laquelle j'évolue est accidentée mais très roulante. J'ai encore en mémoire les paroles de mon coach qui me disait : " à ce stade de la course, la différence entre ceux qui arriverons à courir et ceux qui marcheront sera énorme ". Je me sens littéralement poussé des ailes. Je regarde ma montre par endroits, je cours entre 13 et 14 km/h, je n'en reviens pas moi-même. Depuis que je fais de l'ULTRA, jamais je n'ai eu de telles ressources après autant d'heures passées dehors à crapahuter. Pour remettre les choses dans le contexte, j'ai à ce moment précis 17h de course dans les jambes et déjà 105 km au compteur. Je fais rapidement le calcul dans ma tête, il me reste encore plus de 60 km à faire. Ca pourrait faire peur. Car une défaillance en ULTRA est si vite arrivée. Mais je suis sûr de mes forces et je pense sincérement que je suis capable de tenir ce rythme encore un bon bout de temps. A force d'insister, j'aperçois enfin la frontale du concurrent qui me précède. Le 10e est donc là. Je constate qu'il a une bonne longueur d'avance sur moi. J'insiste. Mais il ne se laisse pas faire car lui aussi doit par moment désormais entrapercevoir ma frontale. On ne va pas se mentir, c'est un beau mano à mano. Je ne sais pas quelle est la meilleure position entre le chasseur ou le chassé ? Mais vu les allures, c'est évident que la course prends un réel tournant. On change complètement de registre. Ce qui me conforte dans ma stratégie de vouloir aller le chercher, c'est que mes efforts semblent bien calculés. Je veux dire par là qu'à aucun moment je ne perds ma lucidité. Je ne m'emballe jamais. Et puis, au bout de longues minutes à batailler, je reviens sur lui. Je suis dans son sillage. Au moment où je le colle le plus, il se retourne. J'ai toujours un mot sympa pour les concurrents que je double. Je considère que nous sommes tous un peu dans le même bateau. On échange brièvement quelques mots, puis je prends les devants. Il se passe à peine 1 minute, je me retourne pour jeter un oeil. A mon grand étonnement, je constate qu'il n'est déjà plus derrière moi. Je comprends immédiatement qu'il a couru bien au dessus de son rythme pour m'empêcher de rentrer sur lui, mais qu'une fois passé, il lâche les armes. Je me retourne de temps en temps pour prendre la mesure de notre écart. Mais je ne reverrai plus jamais ce coureur. Je file vers la dernière base vie à LEVENS en 10e position. 
LEVENS
SAMEDI 24 SEPTEMBRE - 07h32' - Km 115 - 10e
Juste avant à la base de vie, il commence à pleuvoir. Les gouttes sont espacées. Je ne crains pas la pluie. Mais je ne peux pas dire non plus que j'aime ça. A choisir, je préfère largement la chaleur et le soleil. Quand je retrouve mon assistance, j'ai encore de l'appétit. Je sais qu'à ce stade de le course, toutes les calories consommées seront les bienvenues. Surtout que je viens de livrer une belle bataille. Bien que tout est été maitrisé, j'ai forcément lâché des cartouches. Nous échangeons brievement quelques mots avec mes parents. Je ressens toute leur confiance au travers de leurs regards. Initialement, je devais changer de vêtements sur ce check point mais j'improvise en repoussant cette échéance. Ceci pour plusieurs raisons. Tout d'abord je souhaite repartir d'ici avant que le coureur que je viens de doubler n'arrive à la base de vie. Je sais que l'impact psychologique peut-être conséquent. Ensuite, vu les conditions météo qui se dégradent, je ne pense pas judicieux de me découvrir. Je prends donc la décision de rester bien au chaud dans ma tenue (de nuit), surtout avec la frilosité excessive qui est la mienne suite au COVID. Je ne le sais pas sur le moment mais ma stratégie aura été la meilleure pour la suite. Je repars d'ici le ventre plein avec juste l'idée de maintenir cette 10e position. A ce stade de la course, je pense que si on m'avait dit ça avant le départ, je n'y aurai tout simplement pas cru ... 
 
Je repars donc en courant et je ne peux m'empêcher à cet instant-là de penser à toutes celles et ceux qui me suivent (derrière leurs écrans) et qui s'apprêtent à sortir de leur confortable nuit. Pour la plupart, ils ont quitté le suivi Live hier soir alors que j'étais environ 30e. Quelle ne va pas être leur surprise quand ils vont comprendre l'incroyable nuit que je viens de passer en doublant sans cesse des coureurs. J'ai souvent une pensée pour eux. J'espère que je leur procure du bonheur (à distance). 
 
La pluie semble nettement s'accentuer et sur une erreur d'inattention ma montre GPS me signale que je suis hors trace. Je fais quelques pas en arrière et en effet je me rends compte que j'ai loupé le balisage. C'est quand même un précieux outil. Ca se met à monter sèchement. Je suis aux pied du Mont FERION. Cette fois-ci, je suis trempé car les gouttes grossissent nettement et tombent de plus en plus intensément. J'avoue qu'à cet instant je connais un léger passage à vide. Davantage sur le plan moral que physique. Mais celui-ci sera de très courte durée car au détour d'un virage je constate que je suis en train de rattraper la hollandaise Ragna DEBATS, championne du monde de Trail en 2018. Elle semble en difficulté, je la rattrape assez rapidement. Comme pour tous les autres, j'ai un mot sympa à son égard. Je la passe. Et immédiatement après, je pense à me ravitailler. Le côté compétiteur qui est enfoui en moi est définitivement réveillé. Je ferais ce qu'il faut pour qu'elle ne réussisse pas à rentrer sur moi. J'accélère la cadence dans cette ascension parfois bien raide en poussant fort sur mes bâtons. Au final, cette grande championne terminera 1h derrière moi. 
Sur ma lancée et ma détermination, je double encore un autre coureur. Lui semble encore plus mal que Ragna, il est littéralement arrêté sur la pente la plus sévère de cette ascension. Je l'encourage car je sais que nous ne sommes pas du tout sur la même dynamique. A moins d'une énorme défaillance de ma part, je ne pense pas revoir cet athlète. 
Le temps passe et j'arrive enfin sur la crête sommitale de ce Mont Férion. Je suis attendue par deux jeunes femme qui me pointe et me montre la direction à prendre. J'entame une longue traversée. Cette crête est particulièrement technique et exposée. Surtout que la pluie s'accélère encore. C'est désormais un torrent qui nous tombe sur la tête. Il faut avoir le coeur bien accroché. Mais étrangement je ne ressens rien. Ni la pluie. Ni le froid. Je suis dans ma bulle. On dirait que rien (ou presque) ne peut m'atteindre. Malgré les éléments, je reste focus. Je crois définitivement que je suis dans un jour spécial. La descente est légèrement glissante. Le temps me parait parfois (un peu) long jusqu'au Plan de Couthon.
PLAN DE COUTHON 
SAMEDI 24 SEPTEMBRE - 10h20' - Km 130 - 8e
J'arrive sous la tente de ravitaillement. Peut-être suis-je un peu désorienté ? Car je croyais que mes parents seraient ici pour une assistance. Mais je suis déçu quand je réalise que je me trompe d'endroit. Je me crois un check point plus loin. Les bénévoles sont vraiment aux petits soins. Surtout que les conditions météo ne s'arrangent pas beaucoup à l'extérieur. Je prends le strict nécessaire et m'en vais gravir le MONT CIMA. Je constate une nouvelle fois que les jambes commencent sérieusement à se durcir. Mais rien d'inquiétant. Je mets ces nouvelles sensations sur le dos de la pluie. Au bout d'un moment, l'eau pénètre inévitablement dans les muscles. L'ascension est raide mais assez courte. Au sommet, j'aperçois la baie de Cannes et le Golfe de la Napoule. C'est beau. Mais les nuages et la pluie gâchent un peu le spectacle. La descente est agréable. Je relance assez facilement. Les singles sont techniques à souhait par endroits. Je gère " au métier ". Ca déroule. 
ULTRA NICE MÉTROPOLE CÔTE D'AZUR By UTMB
TOURRETTE-LEVENS 
SAMEDI 24 SEPTEMBRE - 11h49' - Km 139 - 8e
Je retrouve mes parents sur cet avant-dernier point d'assistance. J'ai droit à un peu de riz chaud. C'est le grand luxe ! Je dévore ça comme si j'avais faim. Même que je redemande du rab ! Mais mine de rien cette petite chaleur dans mon ventre va me faire le plus grand bien. Et je l'espère, va me donner l'énergie nécessaire pour terminer cette belle course. Car la fatigue commence à pointer le bout de son nez et dans ces moments-là, un rien fait du bien ... Je repars sous les chaleureux applaudissements de cette salle. Assez pour me mettre du baume au coeur. 
La section qui suit est inintéressante. On monte un petit talus dans les bois, mais nous restons la major partie du temps sur la route. Nous nous approchons de NICE et je me doutais que je rencontrerais ce genre de paysage à un moment ou un autre. 
DRAP
SAMEDI 24 SEPTEMBRE - 12h58' - Km 146 - 7e
Dernier ravitaillement avec assistance. C'est donc la dernière fois que je vois mes parents avant l'arrivée. Quelle aventure quand même !! Ici, ça ne traine vraiment pas. Ayant déjà bien mangé au ravitaillement d'avant, je ne m'attarde pas trop. Juste avant de repartir, ils me disent que le 5e et 6e sont 15' devant moi. Me voilà avec un nouveau challenge dans la tête. Et si j'avais encore d'assez bonnes jambes pour aller les chercher ? Je repars sous une pluie intense et je me persuade que c'est jouable. Qui ne tente rien n'a rien ! Je repars de ce ravitaillement avec une attitude positive et conquérante. Qu'ai-je à perdre ? Ma course a été parfaite jusque-là. Je décide donc de mettre toutes les forces qui me restent dans la bataille. Je sais que le final de la course est très descendant donc c'est maintenant ou jamais. L'organisation interdit l'utilisation des bâtons sur ce secteur. Ce qui rend évidemment la tâche plus difficile car le terrain est devenu extrêmement boueux et qu'il ne reste pas non plus une tonne d'énergie dans les organismes. Tout au long de cette montée, j'appuie fort et je me rends souvent compte que je suis sur le fil rouge. Je me dis qu'il faut juste en garder un peu sous le pieds pour les 10 derniers km, histoire de rejoindre NICE dans un état acceptable. Un peu avant l'arrivée au Plateau de la Justice, le parcours du 55K rejoint le parcours du 100M. A l'heure où je passe, j'ai à faire à de bons coureurs. Et bien entendu, on ne court pas du tout au même rythme. Eux ont seulement 40 km dans les jambes, ils sont à bloc. Moi j'en ai plus de 150 avec une nuit blanche en option ! Je compte secrètement sur eux pour m'aider à remettre encore un peu plus de rythme dans mes foulées. Malgré l'écart de rythme, à chaque fois qu'un coureur du 55K me double, j'essaie tout simplement de m'accrocher à lui jusqu'à ce que je sente que ça aille trop vite. Ni plus ni moins. C'est toujours ça de gagner. 
ULTRA NICE MÉTROPOLE CÔTE D'AZUR By UTMB
PLATEAU SAINT MICHEL / PLATEAU DE LA JUSTICE
SAMEDI 24 SEPTEMBRE - 14h26' - Km 155 - 7e
Au plateau de la Justice on m'indique que j'ai repris 4' sur le duo classé 5e & 6e. Honnêtement, c'est bien. Mais ce n'est pas assez. A moins d'une énorme défaillance de l'un d'entre eux, voir les deux, je comprends immédiatement que je garderai cette belle 7e place. Là j'abdique un peu. En fait, je trouve même ma réaction censée et logique. Pour la première fois depuis le départ, c'est à dire environ 26h, je vais commencer à lâcher prise. Je vais désormais juste essayer de savourer et de profiter pleinement ces 10 derniers km. J'entame donc cette descente sur NICE que j'aperçois en contre-bas. Quelle n'est pas ma surprise quand je comprends que plus des trois quart du final vont se faire sur du bitume. Le supplice absolue pour mes quadriceps déjà bien entamés. Je sens que mon corps commence inexorablement à se relâcher. Un réflexe naturel. Sans doute qu'il sent la fin approcher. Comme par hasard, c'est sur cette section où je sentirais le plus la pluie et la froid. Je sens que mon corps commence sérieusement à être touché. Ma foulée est encore efficace et malgré les douleurs qui deviennent de plus en plus insupportables, j'essaie de rester concentré. Je perds progressivement du dénivelé, ce qui est bon signe. La course fait un ultime passage dans un parc, ce qui est en fin de compte agréable car ça casse cette redondance avec le bitume. J'imagine qu'avec le soleil, la vue d'ici doit être exceptionnelle ! Mais aujourd'hui, nous n'avons pas cette chance. Tout une série d'escaliers très raides nous conduit au niveau de la mer. J'y suis enfin. Je longe le bord de mer. Ca sent le sel et l'iode. Ca fait du bien. Je n'ai pas le temps de me dire ça que je reprends une énième averse sur la tête. Jusqu'au bout le ciel ne nous aura pas épargné. C'est après un (trop) long détour (à mon goût) dans les rues de NICE que j'aperçois " enfin " la ligne d'arrivée. Je suis sur la promenade des Anglais. La fameuse. J'y suis.
ULTRA NICE MÉTROPOLE CÔTE D'AZUR By UTMB
NICE
SAMEDI 24 SEPTEMBRE - 15h54' - Km 170 - 7e
Je foule ce tapis bleu. Je vois l'arche d'arrivée. Elle est désormais si proche. Je touche au but. Mes parents sont évidemment là de chaque côté de la barrière pour immortaliser ce beau moment avec l'appareil photo à la main. J'avoue qu'avec la pluie, le froid, et la fatigue (qui se fait de plus en plus ressentir), bizarrement je ne ressens pas énormément d'émotions à ce moment-là. Je suis comme un peu anesthésié. 
 
Je franchis la ligne en 26h54' à la 7e place au scratch et 2e de ma catégorie M1H. Au compteur j'ai 173 km et 9650 D+. 
 
Sur le moment, il me semble que je ne réalise pas vraiment ce qui vient de se passer. J'ai pourtant eu le temps d'y penser. Oui je suis comme (un peu) K.O. Je tourne sur moi-même. J'essaie de trouver mes parents du regard mais la sécurité les oblige à faire tout le tour du village exposant avant de rentrer dans le dispositif de la course. C'est un poil plus tard que je les prendrai dans mes bras pour les remercier chaleureusement. Ce qui se dira à ce moment-là, je le garde pour l'éternité, pour nous trois. 
 
Un film ULTRA rapide vient soudainement percuter mes pensées. Ce film, c'est ma course. Un ULTRA pas comme les autres. 26h en condensé. Un ULTRA rapide et bien géré. C'est à partir de là que je commence seulement à réaliser ce que je viens de faire. Qui aurait parié sur moi ? Personne ! Je sais bien que beaucoup pensait que c'était une folie de tenter ça. C'est vrai que les 3 semaines avant de prendre le départ, j'ai goutté à l'enfer. Si vous avez le choix, n'y allez pas ! Je vous assure que ça a un sale gout. Le COVID je pense que je l'ai plutôt bien géré. Mais la crise de Crohn (par effet de ricochet) elle m'a littéralement détruit de l'intérieur. Elle m'a vidée de toutes mes forces ...
 
Je vais être honnête. Quand je prends le départ de cette course, je suis réellement devant cette fameuse feuille blanche. Je ne sais absolument pas du tout à quelle sauce la montagne va me manger ? Mais par la force du mental, j'ai réussi à me (re)mobiliser. J'ai réussi à faire abstraction de tout. J'avais tellement envie de bien faire. Tellement envie de vivre cette aventure. Une fois lancé, plus rien ne comptait sauf mes pas qui pouvaient me rapprocher de la ligne d'arrivée. Un pas après l'autre. J'étais en mission. Parfois tellement FOCUS sur l'instant présent que j'en ai eu le vertige. L'esprit conquérant, j'étais parfois comme en état de transe. Surtout pendant la nuit. Incroyable expérience ! J'étais " juste " parti pour tenter quelque chose afin de ne rien regretter. Au bout du compte, la montagne c'est moi qui l'ai mangé ! 
 
Plus que jamais, je sais que le corps humain est franchement incroyable. C'est maintenant inscrit dans mes tripes. Dans mes veines. Dans mon corps tout entier. Au point que ça en est totalement déstabilisant. J'y ai mis tout mon coeur. Je sais désormais que les seules limites que l'être humain s'imposent sont ses propres barrières mentales. Qui à dit que c'était impossible ? ... Si je devais retenir qu'une seule chose ça serait : le dépassement de soi. Quelle belle inspiration ! C'est certain, l'ULTRA m'épanouis évidemment en tant que coureur. En tant qu'athlète. Mais l'ULTRA m'épanouis aussi et surtout en tant qu' HOMME. Cette discipline m'apprend encore et toujours un peu plus chaque fois qui je suis vraiment. Quel cadeau au bout du compte ! D'être ICI et MAINTENANT et de savoir pourquoi je fais ça, pourquoi je suis là. Indéniablement, je ressens qu'il y aura un AVANT et un APRES. Cette course m'a peut-être changé à jamais, ...
ULTRA NICE MÉTROPOLE CÔTE D'AZUR By UTMB

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17 juillet 2022 7 17 /07 /juillet /2022 14:41
X-ALPINE VERBIER St BERNARD
Au mois de janvier dernier, je me suis fait recaler une troisième fois de suite au tirage au sort de l'UTMB. Sur le moment, la désillusion était intense. Mais il a fallu vite rebondir en réfléchissant bien au tournant que je voulais donner à ma saison. Je ne l'ai jamais caché. Un de mes rêves a toujours été de participer à l' UTMB MONT BLANC. Cette course que j'ai découverte un jour de 2006 au travers d'un reportage de STADE 2. Le coup de foudre fut total. Depuis je ne pense presque plus qu'à ça. Du moins, c'est indéniablement un moteur dans ma pratique actuelle. Donc je n'avais pas d'autres solutions que de rentrer dans le tout nouveau circuit UTMB WORLD SERIES afin d'espérer pouvoir être tiré au sort pour l' UTMB 2023. 
 
La X-ALPINE de Verbier St Bernard fait justement partie du circuit. Ca tombe vraiment bien car c'est une course à laquelle j'ai envie de participer depuis longtemps. A cette occasion, on fera donc une pierre deux coups.  
 
Au moment de m'inscrire à cet événement, je n'avais évidemment pas idée de ce qui m'attendait dans les jours qui ont suivis. En effet, une vilaine blessure au tendon d'Achille me rappelait une nouvelle fois à l'ordre. Cela fait quelques années (déjà) que je traîne toujours le même problème, mais cette fois-ci je sens bien que c'est plus grave. Je ne peux désormais plus marcher sans boiter, et je peux à peine poser le pied par terre sans douleur. A chaque pas, j'ai l'impression que ce sont des centaines d'aiguilles qui viennent me piquer le tendon. C'est devenu insupportable. Le résultat des différents examens par imagerie (échographie, radiographie, IRM) est sans appel. Ils révèlent une fissure (assez importante) dans le tendon d'Achille avec présence de nodule et un épaississement important de la gaine, mais exclut une maladie de Haglund. Au moment d'entendre le verdict, c'est une chape de plomb qui s'abat sur moi, l'hiver va être long !
 
Se met alors rapidement en place un (très) long processus de soins avec mon kiné, ostéo, podologue, posturologue, ... sans compter les nombreux soins naturopathiques que je me fais moi-même. Je suis entouré de personnes compétentes, et je me remets entièrement à eux. La stratégie est simple. C'est de continuer à préparer la saison en effectuant uniquement des séances qui ne me gênent pas à l'effort et surtout pendant lesquelles je ne ressens aucune douleur au tendon. Ma préparation se fait donc à base de grosses doses de ski de fond, de vélo, et de musculation. Je serais ainsi éloigné des sentiers pendant 3 mois et demi. 
 
En avril, une échographie de contrôle vient confirmer la totale cicatrisation du tendon. Le job a été fait et même bien fait. Le talentueux Dr Jean Luc Le Masle-Lastiolas de la clinique d'Argonay m'indique que les feux sont revenus aux verts ! Je sors de son bureau avec un énorme soulagement. Mon sourire a du mal à s'effacer de mon visage. Quelques minutes passent seulement, et je me rends compte que je suis déjà focus sur la X-ALPINE. Le challenge pour revenir dans le " game " est super excitant. Cette période m'a encore appris que dans la vie il faut être patient et que tout arrive à point à qui sait attendre. Ça tombe très bien, de la patience, j'en ai toujours eu et j'en ai même à (re)vendre ! 
 
C'est mon coach, Adrien Séguret (nouveau sélectionneur de l'équipe de France de TRAIL), qui m'a accompagné durant tout l'hiver et qui va naturellement aussi piloter la suite. Tout ceci, je vous l'assure, avec une main de maître. On va pouvoir s'appuyer sur une solide base (hivernale) aérobie et il convient maintenant de transférer tout ceci au mieux afin de tenter d'être " prêt " pour le 8 juillet en Suisse. Le plus délicat est de monter progressivement en charge sans brusquer le corps. Il aura fallu souvent s'adapter à mes sensations et à mon ressenti. On a souvent marché sur des œufs. Mais au bout du compte, le pari fut réussi, puisque les mois de MAI & JUIN se sont déroulés sans accrocs. 
 
Avec tous ces éléments, vous comprendrez aisément que je n'arrive pas au plus grand de ma forme sur ce RDV Suisse, mais j'arrive frais, soulagé, et avec une immense envie d'en découdre. Les quelques jours qui précèdent la course, je vois apparaître en moi une (petite) peur liée aux mensurations de l'événement. Je prends progressivement et réellement conscience du chantier qui m'attends. En effet, les 140 km et 9300 D+ de cet X-ALPINE font pâlir les quadris les plus affûtés, et si on ajoute (en plus) la technicité du terrain, alors la mission (au sortir de cet hiver chahuté) semble périlleuse. L'objectif est clair. Rester humble pour se donner les moyens de franchir la ligne d'arrivée afin de récolter les fameux points (running stones) pour prétendre être tiré au sort à l'UTMB en 2023. Cette course s'annonce magnifique et c'est sans aucun doute une étape importante dans mon cheminement. 
X-ALPINE VERBIER St BERNARD
Jeudi 07 juillet
Je suis accompagné de mes parents, ma cousine Éva et son conjoint Nikos. Nous posons nos bagages dans un chaleureux chalet à Vallorcine (frontière Suisse). Il est situé dans un écrin de nature incroyablement beau. C'est calme. Loin de tout (ou presque). A proximité, le bruit de la source qui coule en permanence apaise véritablement les esprits, juste ce qu'il faut pour se sentir en paix. L'ambiance est merveilleuse, nous nous retrouvons tous avec joie et les préparatifs pour la course de demain vont bon train. Chacun sait ce qu'il a à faire, les rôles sont impeccablement répartis. Après un bon dîner, nous n'avons plus qu'à dormir sur nos deux oreilles. Demain sera le jour J ! 
 
Vendredi 08 juillet
La journée se passe paisiblement. Le départ ne sera donné qu'à 22h depuis la station de Verbier alors nous avons tout notre temps. Je fais très attention à ne pas faire cinquante fois la course dans ma tête avant de partir. Malgré ce petit stress qui monte au fur et à mesure que les heures avancent, je me trouve plutôt serein. La sieste après le déjeuner m'indique que j'arriverai reposé au départ. En milieu d'après-midi, je me pose tranquillement avec mon père devant l'étape du tour de France. Le vélo reste une belle passion familiale. Et c'est aussi un bon moyen (en tout cas pour moi) de penser à autre chose que l'ULTRA qui m'attend. Puis, progressivement, tout s'accélère assez vite jusqu'à se retrouver à 21h à la station de VERBIER. Cette fois, nous y sommes ! 
Sous les yeux toujours très attentionnés de mes anges gardiens...

Sous les yeux toujours très attentionnés de mes anges gardiens...

V 08/07 - 22h - 
VERBIER - Km 0
Je suis là sous l'arche de départ. Le cœur (un peu) serré. Pendant que les speakers font monter l'ambiance de VERBIER, je prends le temps de me remémorer les mois passés. Cette place je ne l'ai pas volé. Je me sens chanceux d'être là. Malgré les difficultés rencontrées, j'ai fait confiance au protocole en mettant les bons ingrédients pour me donner les moyens et la possibilité de vivre pleinement cette course. Je n'ai rien lâcher. Je me sens à la fois stressé par l'événement que je m'apprête à vivre. D'ailleurs qui ne le serait pas face à un tel tracé ? Tout comme je me sens libéré et heureux de m'apprêter à vivre ce que j'aime le plus faire : courir de longues heures en montagne. A quelques secondes du départ, je glisse un regard complice à mon assistance en guise de dernier clin d'œil. Tous les coureurs allument leurs frontales. Cinq. Quatre. Trois. Deux. Un. Feu !!
 
C'est un beau peloton qui s'élance dans les rues de la riche station de VERBIER. Il y a beaucoup de spectateurs sur les bas-côtés, et je savoure pleinement l'ambiance. C'est même assez magique de se dire que l'on va passer une nuit entière dehors à crapahuter dans les montagnes. Certains pensent que nous sommes fous. Peut-être !? Mais vivre ça est unique. La passion est plus forte que tout. Courir de nuit a un côté mystique. Nous sommes bien plus à l'affût des bruits environnementaux. A chaque fois je ressens la même chose. C'est comme si notre instinct animal ressortait. C'est un moment spécial. Je préfère courir de jour, mais j'adore l'ambiance de la nuit. 
Je pars à mon rythme. Ni plus ni moins. La route est longue alors inutile de griller des cartouches dès le départ. J'ai une stratégie en tête et je vais essayer de vraiment m'y tenir. Il me semble que chacun se retrouve rapidement à sa place. On quitte rapidement la route pour se retrouver sur les premiers sentiers au-dessus de VERBIER. D'entrée de jeu, la pente se vend sévère par endroits. Il ne faut pas s'exciter. J'alterne marche et course selon le degré de la pente. J'avance un bon rythme sous une nuit étoilée resplendissante. 
📷  Trail Verbier Saint Bernard

📷 Trail Verbier Saint Bernard

V 08/07 - 23h56' - 
R1 - SAVOLEYRES - Km 12,5 - 37e
Cette première grosse ascension s'est bien passée. Ça m'a mis en confiance. Je me dis avoir idéalement lancé ma course. Je fais un rapide point sur mes sensations, et force est de constater que je me sens plutôt bien. Je cours libéré. Je suis dans ma bulle et je me soucie uniquement de moi. J'arrive serein sur ce premier ravitaillement (sans assistance). Tout en restant efficace, je prends le temps de bien remplir mes flasks. C'est primordial. Je suis concentré sur mon sujet. Je sais ce que j'ai à faire. Je repars et m'élance dans la descente longue de 1600 D-. Désormais avec mon expérience, je prends bien soin de ne pas m'emballer afin d'épargner au maximum mes fibres musculaires. Le travail excentrique en descente laisse souvent de vilaines traces et je ne veux absolument pas condamner mon aventure par une erreur de débutant. La sagesse est donc de mise dans cette première longue descente qui se veut parfois roulante, parfois abrupte, parfois technique. Je me retrouve tout seul durant un long moment. Ma frontale allume impeccablement le sentier. Le balisage est bon, mais cela ne m'empêche pas de vérifier la trace sur ma montre de temps en temps. 
X-ALPINE VERBIER St BERNARD
S 09/07 - 01h37'
R2 - SEMBRANCHER - Km 30 - 35e
Je retrouve mon assistance dans ce petit village. Comme d'habitude, tout est prêt pour m'accueillir dans les meilleures dispositions. Ils sont vraiment au top ! En fait, ça ne traîne pas. Tout est rodé. Je refais le plein, puis on échange rapidement quelques mots que je suis déjà en train de repartir. Direction CHAMPEX-LAC. Les revoir m'a procuré la sensation d'avoir refait le plein de moral. Ils ont un effet très positif sur moi. 
J'aime beaucoup cette section. Quand je sors du village de Sembrancher, c'est une alternance de sentiers plus ou moins roulants sur lesquels il faut régulièrement relancer. J'aime ça. La lune éclaire le sol et la montagne. C'est magnifique. Je ne peux pas me passer du faisceau de ma frontale, mais presque. Puis ça se met à monter sévèrement. C'est parfois très raide. Mais ça ne me surprend qu'à moitié car Champex-Lac est nettement au-dessus de nous, et pour atteindre cet endroit mythique (base de vie CCC-UTMB) il faut forcément grimper. Je pousse efficacement sur mes bâtons pour garder un bon rendement. Au sommet, mon père est là pour m'accompagner sur quelques dizaines de mètres. Il m'encourage. Et c'est ensemble que nous entrons sous le chapiteau. 
📷  Trail Verbier Saint Bernard

📷 Trail Verbier Saint Bernard

S 09/07 - 02h52'
R3 - CHAMPEX-LAC - Km 37 - 26e
Ca me fait quelque chose d'être ici. Ça me rappelle plusieurs souvenirs, notamment celui de ma CCC 2016. La base de vie était située exactement au même endroit que le chapiteau de la X-ALPINE. Sous cette toile de tente, règne une ambiance chaleureuse. Ça sent la soupe chaude. C'est un endroit très réconfortant. Mon assistance a investi une table où je prends le temps de me ravitailler. Toujours le même rituel. Nos échanges sont tout aussi chaleureux que le bouillon de légumes servis au coureurs. Ca fait vraiment chaud au coeur. Je repars d'ici gonflé à bloc. Mais surtout j'ai hâte de découvrir ce qui nous attend. 
Je repars en courant le long du lac. Quand je traverse le centre ville de Champex, je passe devant le " BEL ABRI ". C'est le refuge qui nous avait acceuilli avec Carole à l'occasion de ce somptueux Tour du Mont Blanc. Wouah c'est carrément génial de se remémorer ces délicieux moments. Il est 3h du matin, il n'y a pas un bruit, mais j'ai le smile comme un gamin. J'hallucine. A la sortie de Champex, je double la première féminine, Emily VAUDAN. Grande championne Suisse. A cet instant, j'ignore complètement que nous allons faire un grand bout de chemin ensemble. Je connais parfaitement cette première partie. Car c'est la même que l'on a pris pour le TOUR DU MONT BLANC afin d'accéder à la somptueuse fenêtre d'Arpette. Après le refuge - relais d'Arpette, nous tournons à gauche pour monter au col BREYA. Les choses très sérieuses commencent véritablement. La pente est sévère. Je me sens vraiment bien. J'avance un bon rythme mais sans trop en faire non plus. Je double plusieurs concurrents qui semblent (déjà) en grande difficulté. Le sentier est très étroit. Pour commencer, ça monte dans la forêt puis ça s'éclaircit rapidement pour évoluer sur un chaos de pierres. Je lève la tête à la verticale. J'ai les cervicales pliées au maximum, et j'aperçois les frontales des coureurs au col. Je suis impressionné par la pente et la technicité du terrain. C'est un énorme chantier qui se présente devant moi. Je ne réfléchis pas, et profite de cette bonne forme pour avaler le dénivelé tout en m'aidant au maximum des bâtons. J'enchaine les grosses dalles de pierres. C'est véritablement un chaos ! Je suis parfois à l'arrêt tellement la pente est raide. Mais encore une fois, cela ne me surprend guère, puisque juste en face pour l'ascension de la fenêtre d'Arpette, j' avais (nous avions) connu la même galère. Cette fois-ci c'est quand même un cran au-dessus. Au col de BREYA, je suis vraiment content d'en avoir terminé. Je me retourne et j'aperçois une frontale qui s'est rapprochée de moi mais les autres sont tout en bas de la montagne. Le trou est fait. De là, ça monte et ça descend sur un balcon pendant un bon moment. C'est toujours très technique. Il y a des cailloux de partout, et toute mon attention est portée sur l'endroit où je pose mes pieds. Au fur et à mesure que je continue de grimper (direction la cabane d'ORNY) je prends progressivement mal à la tête. Tiens tiens étrange. C'est quelque chose de très inhabituel chez moi. Je mets rapidement ça sur l'altitude. En effet, la cabane d'ORNY se situe à 2831 m, et je pense que je suis victime d'un mini syndrôme du MAM. C'est un mal de tête qui me prend toute la partie avant du crâne. Hypoglycémie ? Je ne pense pas. J'ai pris très soin à bien m'alimenter. Un contre coup de l'effort que je viens de fournir ? Non pas possible que je le ressente déjà. Pas de doute, je suis persuadé que c'est l'altitude. Donc jusqu'à la cabane d'ORNY, je tenterai de limiter les dégâts en mode " sauve qui peut ". Je sens que je perds peu à peu du rendement, et la frontale de derrière se rapproche à grand pas. Mais je ne comprends toujours pas qui c'est. Juste avant d'arriver à la cabane, j'assiste à un des plus beaux levers de soleil que j'ai eu la chance d'assister dans ma vie. La nature m'offre ici un spectacle incroyablement beau. Les mots me manquent pour qualifier toute cette beauté. Les premières lueurs du jour sur le " GLACIER ROND " sont magnifiques. Je ne sais pas comment vous dire les choses autrement tellement c'était puissant. Je n'avais pas compris qu'on se rapprocherait autant du GLACIER. Je me retrouve tellement proche que j'ai l'impression de pouvoir le toucher. Mon regard a du mal à s'enlever de cet entendu de neige et de glace. Il impose le respect. 
📷  Trail Verbier Saint Bernard

📷 Trail Verbier Saint Bernard

S 09/07 - 05h11
R4 - CABANE D'ORNY - Km 46 - 18e
Je suis soulagé d'être enfin arrivé à la cabane. Cet endroit se mérite. C'est une sacré bavante pour en arriver là. Mais je suis tellement émerveillé par ce que nous offre la nature ici que je me dis que ça en vaut vraiment la peine. Je suis à peine arrivé que Emily VAUDAN m'emboite le pas. A d'accord, c'était donc elle qui montait dans mon sillage et sur mes allures. C'est la fameuse frontale que je voyais délicatement se rapprocher de moi. A ce moment là, je ne sais pas trop qui elle est, mais vu l'ascension qu'elle vient de faire je me dit qu'il y a du lourd ! Les bénévoles de la cabane d'ORNY sont hypers sympas. Ça rigole. Il y a une bonne ambiance. Ils m'aident à remplir mes flasks, et je prends le temps nécessaire pour manger un morceau. J'ai besoin de refaire les niveaux car je me sens affaibli avec ce mal de tête. Je repars d'ici quelques secondes avant Emily et me lance dans cette grande descente de 1700 D- vers Praz de Fort. Comme pour la première, je m'appliquerai à descendre le plus souple et relâché possible afin d'économiser au maximum mes fibres musculaires. Je me retourne de temps en temps et je constate que Emily n'est pas très loin. J'espère qu'elle fera l'effort pour me rejoindre afin de faire la descente à deux, c'est toujours plus sympa d'être accompagné. Mais au fur et à mesure de la descente, Emily s'éloigne jusqu'à ne plus du tout la voir. C'est dans des moments comme ceux-ci que je me rends compte que je suis assez à l'aise dans cet exercice. Je délaisse peu à peu l'ambiance hostile de l'altitude pour pénétrer progressivement dans les bois. J'adore cette transition. Surtout qu'ici les paysages ne sont pas dégueux ! A Praz de Fort, je tourne à droite direction LA FOULY. Le tracé emprunte le GR du TMB donc un chemin que je connais bien. Mais quelle ne fut pas ma surprise quand je constate au fil des kilomètres que ça monte beaucoup plus dans ce sens-là. Je ne m'attendais pas à une telle différence. Jusqu'à LA FOULY c'est très vallonné et il faut souvent relancer en courant. Bref c'est très casse pattes. Je me retourne de temps en temps, mais même au loin je n'aperçois pas Emily. Juste avant d'arriver à la base de vie, mon père m'attend une nouvelle fois en contre bas. On rejoint le chapiteau ensemble en courant. Je constate qu'il y a énormément de monde à LA FOULY. Et pour cause, le départ de la TRAVERSÉE (75 km) n'a pas encore été donné. J'ai donc droit à beaucoup d'applaudissements. Les coureurs prêts à en découdre sur leur distance ont l'air d'apprécier " la performance " d'arrivée ici avant leur propre départ. 
Base de vie à LA FOULY

Base de vie à LA FOULY

S 09/07 - 07h34'
R5 - BASE DE VIE - LA FOULY - Km 61 - 18e
Je retrouve mon assistance au complet sous ce chapiteau plein à craquer. Il y a beaucoup de monde qui regarde et observe. C'est presque déstabilisant. Mais je reste focus sur ce que je dois faire ici. Il faut aller vite mais rester calme. Je décide de changer intégralement de vêtements (hormis le short) afin d'avoir la sensation de repartir à neuf. Je me suis dit que ça ferait une belle coupure avec la nuit passée, et c'est aussi toujours plus agréable de courir dans des vêtements secs. Je délaisse donc la frontale pour la casquette et visse mes lunettes sur la tête. Je prends le temps de manger correctement, sans non plus me gaver, ça aussi c'est la clé. Je crois que c'est super important car, mine de rien, nous ne sommes encore même pas à la mi-course. Donc, malgré l'effervescence des lieux, il ne faut pas s'emballer et rester concentré. Mon coach m'avait demandé d'arriver encore " frais " à LA FOULY. Je pense que c'est réussi. Je le suis. Mais secrètement, je m'attendais à être tout de même plus frais que cela. Avec du recul, après déjà tout ce qu'on vient de faire (déjà 4000 D+ dans les guiboles et une nuit blanche) je ne sais pas si c'est possible d'arriver plus frais que ça ici. Je suis en train de gérer tout ça quand tout à coup je vois arriver Emily VAUDAN à la base de vie. C'est Catherine Poletti (fondatrice de l' UTMB) qui va la ravitailler. Bah dis donc elle a de sacrées bonnes connaissances, me dis-je. Je n'ai pas encore fini que Emily s'en va déjà. Sur le moment, je ne comprends pas sa stratégie de faire aussi vite. Il me semble que la route est encore longue. Moi je suis persuadé d'avoir bien tout fait et je repars à mon tour. Dès les premières pentes, à la sortie de LA FOULY, je fais l'effort pour revenir sur elle au plus vite. Certes ça me met un petit accoups, mais je suis persuadé que c'est la bonne roue à prendre. Je vais mettre une dizaine de minutes pour rentrer sur elle. Puis à son contact, naturellement l'allure se tasse, et nous commençons à faire (un peu) connaissance. Elle a un palmarès long comme le bras. Bref. Nous quittons le pays de LA FOULY pour prendre la direction du col du GRAND SAINT BERNARD. Sur notre droite, on aperçoit le GRAND COL FERRET, passage mythique du TMB et de l'UTMB. Le soleil matinal illumine cette montagne et rend l'endroit totalement majestueux. On ne m'a donc pas menti. Le VALAIS est SENSATIONNEL. Emily souhaite rester derrière moi donc je fais le tempo dans cette très longue ascension. En se concertant, nous avions mis exactement le même prévisionnel pour rejoindre la frontière Italienne, à savoir 3h. Le rythme est bon. Nous rattrapons quelques concurrents, c'est toujours ça de pris. Puis, à la sortie d'un virage, je me retourne et je vois arriver les premiers concurrents de la TRAVERSÉE (75 km - départ depuis LA FOULY). Ils nous doublent à une allure supersonique. Là, c'est clair, on ne fait pas la même course. Au début c'est rigolo. Après, je le dis franchement ça devient carrément pénible. Quelle idée aussi de passer à LA FOULY avant le départ de la TRAVERSÉE ? J'aurai peut-être dû me traîner un peu plus !? Ce sont en fin de compte des centaines de coureurs qui nous doublent dans cette ascension. La cohabitation des lieux n'est pas toujours évidente. Eux viennent tout juste de partir, donc la différence de rythme est importante. Le côté positif dans cette histoire, c'est de me retrouver avec Emily, car tout le monde l'encourage et au passage moi avec ! Je me retourne en la regardant d'un oeil complice et lui dit : " mais tu es connu comme le loup blanc !? ". C'est ni plus ni moins la star de la vallée. Au milieu de l'ascension, un hélicoptère se met à surplomber la file indienne des coureurs. J'imagine que de la haut la vue doit être superbe. Quand tout a coup l'hélicoptère stoppe sa progression et reste sur Emily et moi-même. Ayé, nous sommes démasqués. Ces deux-là ont un dossard rouge, ils sont noyés dans la masse, alors on les filmera. Sans exagérer, l'hélicoptère est resté 5 bonnes minutes au-dessus de nous. Les images du LIVE  (Live Trail sur les réseaux sociaux) devaient être belles. Le bruit assourdissant des hélices au-dessus de ma tête m'a rappelé ma DIAGONALE DES FOUS en 2016. Pour rappel, j'avais été pris en chasse par l'hélicoptère à deux reprises. Bref. Je me soucie uniquement de mon allure, profite au mieux de l'instant présent, mais l'atmosphère digne d'un TOUR DE FRANCE me mets les frissons ... Que ce sport est beau. Quelques minutes avant d'arriver au Col fenêtre, alors que la pente s'adoucit brusquement, Emily me dépasse et met une accélération dont je ne comprends pas le sens. Je n'arrive pas à suivre. Mais je ne cherche pas non plus à suivre. Au contraire, voyant que je " but " un peu, je redouble de concentration, et prends le temps de me ravitailler pour limiter la casse. La fin de cette ascension se fait avec des sensations vraiment moyennes. C'est mon premier coup de moins bien. 
X-ALPINE VERBIER St BERNARD
S 09/07 - 09h38
R6 - COL FENÊTRE - Km 72 - 18e
C'est un vent frais qui nous accueille à la bascule. Et franchement ça me fait le plus grand bien. Enfin de l'air !! D'ici on aperçoit facilement le col du GRAND SAINT BERNARD. A vol d'oiseau je ne suis plus très loin. On surplombe la route qui monte depuis AOSTE en Italie. Ca me rappelle mon ascension lors de notre TOUR DU MONT BLANC à VÉLO (avec Yann et Julien). Il y a quelques centaines de mètres à descendre avant de remonter au col par des escaliers taillés dans la roche. J'essaie d'entre apercevoir Emily mais je ne la vois déjà plus. Elle a visiblement mis un  gros coup d'accélérateur. Personnellement, je ne suis pas au mieux. Mes bonnes sensations depuis le départ me lâchent. Il est évident que je traverse une période compliquée depuis quelques minutes. Et ça ne veut pas passer. J'ai hâte de retrouver mon assistance au col. Les revoir ne peut que me remonter le moral. Une fois arrivé au sommet, je fais le tour du lac et je retrouve ma TEAM dans cet endroit mythique. Un lieu chargé d'histoire (le passage du col du Grand-Saint-Bernard demeure un épisode légendaire de l'épopée napoléonienne). Je n'arrive soudainement plus à parler. J'ai comme un trop plein d'émotions qui montent en moi. Quelque chose me reste bloqué sur le ventre (et dans la tête), c'est le cas de le dire. J'improvise mon ravitaillement en changeant de stratégie, mais surtout en écoutant mes besoins et mon ressenti. Je mange quelque chose de différent et je fais bien car je l'apprécie. Je récupère des flasks pleines. Ça ne traîne pas trop. Je repars en courant, et au moment de quitter la route pour rejoindre le sentier qui nous conduira au prochain col, qui vois-je juste devant moi (?) : Emily. Là je comprends tout. Comme moi à LA FOULY, elle s'est arrêtée plus longuement au col du GRAND SAINT BERNARD. C'est en fin de compte la même stratégie, mais ce n'est juste pas au même endroit. L'un dans l'autre les compteurs sont remis à zéro, et cette fois-ci c'est moi qui reste dans son sillage pour grimper le col suivant. Je sers les dents par moments. Au sommet, je prends les devants pour la longue descente de 1300 D-  et comme dans la descente après la cabane d'ORNY, après quelques minutes, en me retournant, je ne l'aperçois plus dans mon sillage. Chacun fait désormais sa course, je décide alors de ne plus me préoccuper de personne. Je me concentre pleinement sur mes sensations. Les jambes commencent sérieusement à se durcir, et le travail excentrique en descente n'aide pas à aller mieux, bien au contraire. Il est grand temps de rallier la seconde base de vie à Bourg St Pierre où m'attendent patiemment mes parents, ma cousine et Nikos. 
X-ALPINE VERBIER St BERNARD
S 09/07 - 12h27'
R7 - BASE DE VIE - BOURG SAINT PIERRE - Km 90 - 15e
Une nouvelle fois je suis vraiment content de retrouver mon assistance. Je commence à traîner une fatigue importante, et c'est précisément dans ces moments-là que leur rôle devient primordial. Sans nul doute, ils sont à la hauteur. Je rentre dans une salle bondée de personnes. Ici, il fait chaud et moite, c'est très désagréable. J'ai l'impression de suffoquer. Malheureusement, malgré l'insistance de mes parents je n'arriverai pas à manger sur cette base de vie. Je suis écoeuré. J'ai soif, juste soif. Plus rien ne me fait envie (ou presque). Je fais le choix de repartir au plus vite afin de miser sur ma boisson comme seul apport énergétique. Je ressens le besoin de breaker (un petit moment) avec le solide. Du moins en attendant que mon digestif revienne à la normale. La chaleur n'aide évidemment pas. D'ailleurs, je pense que si j'en suis à ce stade c'est en grande partie à cause de la chaleur. Elle ne se fait pas tant ressentir que ça, mais quand on court ça tape vraiment. Je sors de cette base de vie et prends la direction de la cabane de MILLE. Devant moi se dresse 1150 D+, et le soleil tape de plus en plus fort. Je grimpe à mon rythme et dès que possible, je m'arrête tremper la tête dans un ruisseau. Je sens que l'organisme monte sévèrement en température, et il ne faudrait pas que cela prenne de trop grandes proportions. Dans cette ascension, je fais la connaissance d'un groupe de coureurs forts sympathiques (Traversée 75 km). Ils sont d'un réel soutien. Leurs mots à mon égard me touchent sincèrement. Il m'encourage souvent. Les jambes ne répondent plus aussi bien qu'avant, je crois qu'il faudra désormais faire avec. Quand tout à coup, qui vois-je quelques mètres devant moi ? Emily. Alors ça ! Je comprends tout de suite qu'elle m'ait repassé devant à la dernière base de vie. Il y avait tellement de monde que je n'ai rien vu faire. Dommage car je pense que c'était stratégiquement très intéressant de monter avec elle sur cette partie. Cela m'aurait peut-être (?) permis de moins " m'endormir " sur cette section que je trouve interminable. Vu le terrain usant, je comprends cette fois-ci qu'elle prendra son envol et qu'il me sera impossible de la rattraper. Alors je fais ce que j'ai à faire du mieux que je puisse le faire. Avancer encore et toujours. Cette section jusqu'à la cabane de MILLE je ne l'ai pas aimé. C'est long. Mais qu'est-ce que c'est long...
X-ALPINE VERBIER St BERNARD
S 09/07 - 16h05'
R8 - CABANE BRUNET - Km 110 - 12e
Ca sent la fin des haricots. Je retrouve mon assistance (montée jusqu'ici en navette obligatoire). Je m'assois. Et au moment précis où je touche le banc, je perds le fil. Je perds le " pourquoi je suis là ". Je perds le " pourquoi je fais ça ". Je sens le peu d'énergie qui me reste se dérober. Je suis impuissant face à la situation. Je suis convaincu que je n'ai plus la force et les moyens physiques nécessaires pour aller au bout de cette aventure. J'en fait part à mon assistance qui se trouve (un peu) désemparée. Une infirmière se rapproche de nous et commence à me poser plusieurs questions sur mon état de santé. Je suis dans un état second mais elle (et eux) me trouve plutôt lucide dans mes propos. A ce moment précis, je touche le fond. En course, on ne peut pas tomber plus bas. Pour la première fois depuis hier soir 22h, je me retrouve sur un fil, et dans quelques secondes, mon destin va basculer d'un côté ou de l'autre. Je regarde mes parents, ma cousine et Nikos. Et là, une force remonte en moi. Une voix me dit de continuer. Je repense à cet hiver passé avec ma blessure et aux deux dernières années écoulées. Je repense à tous ces moments si difficiles. Je repense à tous les efforts que j'ai fait pour revenir à ce niveau. Je repense à toutes les personnes qui me soutiennent de près et/ou de loin. Je repense à mon KIKI, mon ange gardien. Pour ça. Pour eux. Pour vous. Je vais le faire. Je relève la tête. Je vois autour de moi mes proches qui me parlent. Mais je ne les entends pas. Je n'entends plus rien d'autre que cette voix intérieure qui me dit de ne pas lâcher. Je me lève. Je les regarde. Et je repars. La montée à la cabane de PANOSSIÈRES est terrible. Ça monte dans le pentu. C'est très raide. Je retrouve Ludovic (un de mes compagnons d'aventure dans la montée vers MILLE). On sympathise tellement qu'on va se revoir. Il y a parfois des personnes avec qui ça match tout de suite. Une histoire d'aura, et de feeling. On évolue dans un décor à couper le souffle. Décidément. On arrive à un premier col où tout le monde croit que se trouve la cabane. Mais non elle n'est pas là. Quand j'arrive ici, je suis littéralement subjugué par la beauté des paysages. Nous sommes au plus profond du VAL DE BAGNES et j'aperçois toute l'étendue du glacier de CORBASSIÈRE sous les Grands COMBINS (4314 m). Le plus haut sommet en Suisse Romande entre le Mont Blanc et la dent blanche. Quel spectacle ! Avec Ludo, on redescend un moment en empruntant un sentier très abrupt. Celui-ci nous emmène à l'effrayante passerelle de Panossières. Rendu dangereux par la fonte du permafrost, le sentier qui franchissait jusque-là il y a peu la langue glaciaire, a été remplacé en 2014 par l'un des ouvrages en acier galvanisé les plus hauts d'Europe. Ses câblages s'étirent à près de 70 mètres du sol sur une longueur de 190 mètres. La traversée au-dessus du vide est impressionnante. Je vois bien que je manque de lucidité car d'habitude cela ne me fait rien. Mais la passerelle tangue énormément alors je ne suis pas rassuré. Vivement que j'arrive au bout. Une fois passé, il ne nous reste plus qu'à atteindre la cabane de pannossière, située encore 300 D+ au-dessus de notre tête. Ça ne s'arrête jamais, j'ai l'impression que c'est interminable. 
📷  Trail Verbier St Bernard

📷 Trail Verbier St Bernard

S 09/07 - 18h09'
R9 - CABANE PANNOSSIÈRE - Km 117 - 9e
À cette altitude de 2641 mètres, le paysage, composé de glace, de roches et de moraine, est désertique. Je fais face au glacier et je me sens vraiment tout petit. Ici la nature est puissante. Je me ravitaille et propose à Ludovic de ne pas traîner. J'entame la longue descente de 1600 D-, Ludo m'emboite le pas. Nous évoluons dans un décor surréaliste. Je retrouve au fil du temps de bien meilleures sensations. En fait, je retrouve une seconde vie sur mon terrain de prédilection. On délaisse peu à peu la montagne hostile pour retrouver la végétation puis bientôt la civilisation. Mes jambes sont raides mais j'ai déjà connu bien pires. Ma foulée est encore efficace. Le corps humain est tellement surprenant. 
📷  Trail Verbier Saint Bernard

📷 Trail Verbier Saint Bernard

S 09/07 - 19h54'
R 10 - BASE DE VIE - LOURTIER - Km 129 - 9e
Quel bonheur de retrouver mon assistance. Peut-être que je me répète (?), mais à chaque fois que je les vois, ils me font un bien fou. Et puis les (re)voir me ramène encore un peu plus à la vie. Nous avons définitivement quitté la haute montagne pour se retrouver ici dans ce petit village. Je n'ai besoin de rien, hormis de refaire le plein en boisson. Je ne veux pas m'arrêter longtemps. Dans ma tête, c'est acté, il faut en finir. Et pour finir, l'organisation nous a prévu une vacherie. The WALL comme ils aiment l'appeler. Le MUR (pour les francophones). Le genre de truc imbuvable après 130 km dans les cannes. Le truc où tu préfères t'évanouir plutôt que d'y mettre les pieds. La montée fait 5,5 km pour 1200 D+. Les vrais savent. Au pied de la bosse, mon père me recommande de l'aborder comme en vélo, tout à gauche. Bien vu. C'est exactement ce que je comptais faire. Petites enjambées. Un pas après l'autre. Cette recette, à l'aide de mes bâtons, m'emmènera jusqu'en haut. Mais mon dieu, qu'il en faut du courage et de l'abnégation pour arriver à bout de cette horreur. J'ai littéralement posé le cerveau. Je ne pense plus à rien. Mon seul objectif est de monter à un rythme qui me permette de ne jamais m'arrêter. Et j'y suis arrivé. 
X-ALPINE VERBIER St BERNARD
📷  Trail Verbier Saint Bernard

📷 Trail Verbier Saint Bernard

S 09/07 - 21h55'
R 11 - LA CHAUX - Km 135 - 9e
Le soleil se couche. La température se rafraîchit nettement. Mais j'y suis enfin. Il ne me reste désormais plus que cette dernière descente, et j'en aurai fini avec cette somptueuse X-ALPINE. Le ravitaillement est chaleureux. Je rentre à l'intérieur du bâtiment. Et là, j'hallucine complètement. Il y a un self. Les coureurs prennent leur plateau et commandent ce qu'ils veulent. Ludovic se laisse absorber par la chaleur ambiante, et me dit d'y aller. Lui va faire une pause. Je fais juste le plein de boissons, et je ne traîne pas. Je file. Si je m'arrête ici trop longtemps, jamais je redémarre. Je fixe alors la frontale sur ma tête pour éclairer mon chemin et je cours pour rejoindre mon assistance qui m'attend sur la ligne d'arrivée 900 D- plus bas à VERBIER. J'arrive à (re)courir relâché. Je retrouve exactement les mêmes sensations que dans la dernière descente depuis la cabane de PANOSSIÈRE. Les kilomètres défilent. Je vois peu à peu les lumières de VERBIER se rapprocher. Je jubile dans mon fort intérieur. Je touche au but. Ce ne sont pas les quelques petites montées qui cassent le rythme de cette descente, et où je dois relancer, qui m'enlèvent mon sourire. Il est définitivement bien accroché à mon visage. Je savoure pleinement l'instant. Dans ma tête, défilent tous les moments de cette course incroyable, bons comme moins bons. Je rentre enfin dans VERBIER. J'entends les speakers Ludo Collet et Sébastien GL prononcer mon nom. Ils annoncent mon arrivée au public. Je passe le dernier virage. Deux petites filles me tendent leurs mains pour checker. C'est fun. J'arrive sur le tapis d'arrivée. Je déroule. Je savoure pleinement l'instant. Mes proches sont là pour immortaliser ce moment magique. Je franchis la ligne d'arrivée avec 141 km et 9400 D+ au compteur en 24h58' à la 9e place au scratch et 2e de ma catégorie M1H
📷  Photosports.ch

📷 Photosports.ch

X-ALPINE VERBIER St BERNARD

Je sers mes parents dans mes bras et les embrasse. Tout comme ma cousine et Nikos. Ce résultat est bien évidemment aussi le leur. Encore une fois, nous avons formé une bien belle équipe. Alors que l'objectif de départ était " seulement " de tenter de franchir la ligne d'arrivée, je rentre dans le TOP 10 de ce MONUMENT. C'est fou. Ce parcours est incroyablement beau. Il n'est peut-être pas à mettre en toutes les mains tellement il est difficile techniquement parlant. Le tracé est sauvage, rustique, authentique, ... et le VALAIS est SENSATIONNEL. 

X-ALPINE VERBIER St BERNARD

Si on remet les choses dans leur contexte, je dirais que c'est encore une sacrée belle victoire sur la maladie de Crohn et sur ma blessure hivernale. Ça a été, c'est, et ça sera encore mon quotidien. Celui d'un être qui met, tous les jours, tout en œuvre pour prouver que malgré l'handicap nous sommes capables de réaliser de belles et grandes choses. A chacun son Everest n'est-ce pas ! 

X-ALPINE VERBIER St BERNARD

La qualité d'un homme se mesure non pas au nombre de fois où il tombe, mais au nombre de fois où il se relève

Je remercie chaleureusement toutes les personnes qui m'ont soutenues de près et/ou de loin pendant cette aventure. Vos nombreux messages de soutien m'ont porté au-delà de ce que j'avais pu imaginer. Je suis moi-même surpris par mes ressources physiques mais surtout mentales. Dans les moments les plus difficiles, j'ai réussi à me remobiliser. J'ai réussi à piocher tout au fond de moi-même une énergie (souvent insoupçonnée). Pendant un ULTRA, il y a tellement de choses qui se percutent dans la tête d'un coureur. Je me sers de cette discipline pour me développer, pour continuer d'apprendre encore un peu plus sur moi et mon corps. On vit mille vies en 24h. C'est hallucinant comme notre cerveau peut aller loin. Je remercie toutes les personnes qui m'entourent au quotidien. A tous niveaux. J'ai peur d'en oublier. Que ce soit pour les soins, la préparation, les thérapeuthes qui me suivent, toutes les personnes de l'ombre qui m'ont aidé et conduit à être l'homme (nouveau) que je suis aujourd'hui, etc ... vous êtes toutes des personnes bienveillantes en qui j'ai pleinement confiance. J'aurai mis le temps, mais je pense avoir enfin trouvé cet équilibre qui me permet d'avancer sereinement et en paix avec moi-même.

La flamme ne s'éteindra jamais. Dans les moments les plus difficiles de ma vie, plus d'un aurait mis la flèche, mais moi j'ai trop de passion et de volonté pour ça.

Les résultats au complet :

LIVE TRAIL 

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